Grève dans l'industrie de la chaussure à Fougères en 1906

Elle l'était, parce que la blessure était désormais ouverte, parce que cette offense secrète qu'il y a au fond du coeur de tout homme qui gagne mal sa vie et celle des siens avait été réveillée et parce qu'on avait fait en sorte que les ouvriers de la petite ville ne puissent plus que se méfier les uns des autres et se mépriser. La municipalité démissionna. Le préfet prit la direction du service d'ordre et le renforça. On vécut au milieu des gendarmes. Clemenceau intervint, reçut diverses délégations de la ville: La chambre des Députés nomma une commission chargée d'enquêter et de proposer sa médiation. Le 17 janvier, les deux syndicats signèrent une sorte de convention : dans chaque usine 1e patron assisté d'un délégué du syndicat patronal et le repré-

  sentant choisi par les ouvriers de chaque spécialité, assisté d'un délégué du syndicat ouvrier, devaient examiner les tarifs des diverses spécialités et, les tarifs fixés, le travail reprendrait. Les débats durèrent deux semaines. Le dimanche 10 Février après midi, en plein milieu de la ville, des jaunes et des rouges se chamaillaient. Un rouge fut tué d'un coup de révolver. Mais on devait rentrer le lendemain matin à 7 heures ; et chacun ne pensait plus qu'à cela. Cet ouvrier qui donna sa vie à la grève, quand tout était fini, quand cela ne servait plus de rien, s'appelait Morice. Je n'ai pas retrouvé son prénom. Le travail reprit après quatre vingt dix huit jours

 

Ce texte est extrait du livre "Changer le vie" de Jean Guehenno (de l'Académie française)

 
 

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