Deux brillants intervenants sont venus nous parler de la Bretagne, de son contexte historique, sans oublier évidemment la Loire Atlantique qui, malgré son positionnement exceptionnel au centre d’un « Arc Atlantique » s’étendant de l’Ecosse à l’Andalousie, ne sera jamais en mesure de tirer le plein profit de cette situation tant qu’elle restera diluée dans une région administrative autre que sa Région originelle et non vouée à la mer, donc non motivée pour les affaires maritimes. Ils se sont complétés à merveille :

Le premier, Jean Cevaër, toute une vie d’ingénieur chez Texaco, mais surtout passionné d’Histoire (…et passionnant pour ceux qui l’écoutent) a replacé la Bretagne dans son contexte…une heure pour passer de 5000 ans avant JC à la constitution européenne…autant dire une heure sans temps mort, et qu’on n’a pas vue passer !

Le second, Yves Lainé, plus économiste, donc statisticien, a eu vite fait de nous démontrer l’inefficacité de tout découpage territorial basé sur des intérêts occultes plutôt que sur des décisions inspirées démocratiquement par la volonté et la motivation des populations concernées de travailler ensemble sur des projets d’avenir communs, dictés par une simple logique macroéconomique et non pas, comme certains se plaisent à ironiser, pour le folklore, qui n’est rien d’autre qu’une preuve de plus, s’il en faut, de la puissance de synergie de ce peuple, quand il a décidé de bouger. Jean Cevaër : le contexte historique Tout d’abord, un rappel historique qui fait revivre la civilisation celtique dès le 7ème siècle avant JC, dont on sait peu de choses, et encore moins de leurs prédécesseurs dont la datation remonte à 5000 ans avant JC.

La Bretagne se constitue en Etat, après la mort de Charlemagne, (831), alors que la France ne prendra vraiment naissance qu’en 1130, 300 ans plus tard.

Après que 3 rois aient régné sur la Bretagne, celle-ci atteint son apogée sous la Duchesse Anne, dont la résidence se situe principalement à Nantes. Elle est par 2 fois Reine de France, après ses mariages successifs avec Charles VIII, puis Louis XII après la mort du premier.

Le protocole de cette province dite « étrangère » laissait à la duchesse une grande autonomie, ne prévoyant pas, notamment le paiement de l’impôt au Roi de France (ce texte n’a jamais été amendé… à bon entendeur…!!).

La fille aînée d’Anne de Bretagne et de Louis XII, la future Reine Claude (surtout connue pour les prunes portant son nom), d’abord promise à l’archiduc Charles (le futur Charles Quint) épousa son cousin germain François, duc d’Angoulême, le futur François 1^er.

Douce et pieuse, elle n’eut aucune influence sur son entourage, se contentant d’administrer son duché de Bretagne et son comté de Blois.

Premier cumul de mandats de l’Histoire connu, aux conséquences désastreuses pour les Bretons, elle hérita, en plus du Milanais. Elle fit alors cession de ses droits à son mari en 1515… (sacrée année pour François), abandonnant la Bretagne qui tomba ainsi tout simplement dans le giron de la France… Bien plus tard, vers 1790, la France fut découpée administrativement par la Révolution en « départements », qui respectaient toutefois les découpes territoriales précédentes, les frontières de provinces. C’est ainsi que la Bretagne, se vit découpée en 5 départements.

Il fallut arriver au 30 juin 1941 pour qu’un décret de Vichy, créant de nouvelles découpes, jugea bon de couper la Loire Atlantique de ses racines en l’accolant arbitrairement à une région centrée à Angers, d’un trait de plume proposé par un quelconque administratif en une heure, mais contre-signé par les envahisseurs narquois et les sieurs Pétain, Darlan et Laval (P.D.L…tiens…tiens !!!).

Darlan, Amiral de la Flotte, voua toujours une haine sans limite aux Bretons qui constituèrent les premiers contingents de la France Libre.. C’est pour punir ces Bretons intraitables et remuants, qu’on leur appliqua la devise de la perfide Albion « Diviser pour régner » et qu’on sépara de la Bretagne son département, de loin le plus riche, la « Loire Inférieure ». Notre deuxième orateur en fera une brillante démonstration en termes de P.I.B.

A noter que les marins de l’Ile de Sein, qui furent les premiers à rejoindre la France Libre, sont, pour cette raison, les seuls détenteurs à titre collectif de la médaille des Compagnons de la Libération. Ce ne fut pas, apparemment, suffisant pour que le Général de Gaulle, à la Libération, renonce à un découpage (qui l’arrangeait probablement à certains points de vue) en revenant à la découpe millénaire de la Bretagne avec ses 5 départements. D’ailleurs, tous les dirigeants qui se sont succédés jusqu’à nos jours y ont apparemment trouvé leur compte, puisque, faisant fi de l’avis des populations, ils

ont toujours refusé de mettre ce scandale à l’ordre du jour, ne serait-ce qu’en organisant tout simplement une consultation populaire. Mais, pour cela, il faudra réinventer la démocratie…

Yves Lainé est intervenu sur le thème de la cohérence de la Bretagne, ses chances économiques et nous a présenté un projet à ses yeux compatible avec les vocations de la Bretagne d’une part, les attentes de la métropole nantaise par ailleurs. Le tout était accompagné de la projection de 25 cartes et visuels illustrant son propos, dont quelques-unes sont reprises ci-après. Tout d’abord, l’orateur commente des cartes récentes de Produit Intérieur Brut. Il s’avère bien, chiffres en mains, que la Bretagne, la Vendée et les départements côtiers de la Façade Atlantique française ont connu au cours des 13 années étudiées (1990-2003) une expansion sans précédent.

Par exemple, la Bretagne a vu son PIB croître de 72%, et les autres départements atlantiques de plus de 60%, soit bien plus que la moyenne métropolitaine (54%) ou même l’Ile de France (53%). Les 5 départements de la Bretagne « historique » sont concernés, avec une prime pour la Loire-Atlantique et l’Ille et Vilaine. Ceci tord le cou à une image misérabiliste trop répandue. Ensuite, Yves Lainé identifie quelques causes de ces bons résultats dans plusieurs avancées structurelles de la décennie 1980-1990 : · l’arrivée de la gauche et les lois de décentralisation. · les élargissements de l’Europe, et particulièrement l’annonce de l’intégration   des pays de l’Est.

Variations du PIB régional

Variations PIB départemental

· L’entrée en fonction d’un bon nombre d’infrastructures : plan routier Breton, Car Ferries… · La grande époque d’établissement pour des Gourvennec, des Lichou, et autres Bolloré, Pinault, Leclerc une prise de conscience « culturelle » de la Bretagne : témoignage B.A.I.

L’orateur, qui a suivi et accompagné l’aventure de la Brittany Ferries, désormais premier employeur maritime français et premier vendeur de produits touristiques français dans le Royaume Uni, assure que, sans une volonté cohérente de tous, y compris des collectivités bretonnes, le résultat semblait voué à l’échec.

Ensuite Yves Lainé passe en revue les « plans » technocratiques de la DATAR et du gouvernement pour conclure que rien ne se fait sans la mobilisation et que cette mobilisation intègre forcément des référents culturels ou mentaux. On retrouve l’Histoire.

Pour autant la Bretagne ne saurait se montrer satisfaite et s’isoler. C’est peut-être là que l’intégration de la Loire-Atlantique pèse de toutes ses ambitions, jamais exprimées dans le cadre des « Pays de la Loire ».

L’orateur exprime sa certitude qu’il existe une différence de nature entre une région « mobilisable » c’est à dire cohérente et solidaire, donc politique (la Bretagne) et un espace de coopération et de projets infrastructurels et « de réseaux ». Il en voit deux schémas : - L’ECLAIR ( Espace de Coopération et de Liaison Inter Régional.) regroupant à Nantes, la mieux placée et la mieux acceptée, les experts compétents en matière de transports et d’infrastructures, experts au service de « projets » publics et privés de tout le grand Ouest. Il est temps que l’Ouest cesse de s’en remettre au bon vouloir des technocrates parisiens pour instruire le dossier technique des projets ( TGV, Aéroport, etc …) – La négociation avec l’Etat et l’U.E doit se faire une fois que le projet « tient la route ».

- L’ ECLAT (Espace de Coopération de l’Arc Atlantique) C’est un peu la même chose, mais avec des perspectives plus européennes de coopérations entre les régions de la Façade Atlantique et l’U.E pour des projets concrets intéressant plusieurs Etats. Exemple : un schéma évolutif de lignes maritimes pertinentes. Des experts internationaux pourraient aussi se retrouver à Nantes. Ainsi la vocation internationale de Nantes serait assurée, pas seulement portée par une ville, mais par une région et tout un peuple. Yves Lainé conclut en insistant sur le fait que la vocation d’être centre ne se décrète pas. C’est la Bretagne entière qui doit se révéler « centre ». Être géographiquement au centre est un atout, mais insuffisant en soi. La Bretagne a réussi a être centre pour la culture celtique (Festival de Lorient, Celtica, etc..), centre référentiel d’une nombreuse diaspora, centre agricole majeur, centre de développement maritime (pêche, BAI, Construction navale…), centre du « lobby » des régions périphériques (CRPM).

 Elle pourrait aussi être un centre de projets pour tout l’Ouest et l’Arc Atlantique. Pour cela Nantes et la Région Bretagne doivent s’entendre car aucun des deux partenaires ne peut le faire sans l’autre.

Pour ce remariage et cette ambition, il manque deux éléments de taille :

1) La décision de la réunification : un projet de loi gouvernemental, bloqué pour l’instant (jusqu’aux présidentielles?) autorisant un référendum démocratique (rien ne se fera sans accord populaire)

2) Une réforme de la France faisant entrer dans les faits la phrase de la constitution de 2005 : « son organisation est décentralisée ». Sans un pouvoir régional comparable à celui de nos partenaires européens, autorisant un « projet breton et atlantique » tout restera un beau rêve.

Conclusion

De très intéressants échanges, prouvant que ce sujet reste toujours à fleur de lèvres chez les Nantais, font suite à ces deux brillants exposés...

…avant que l’assistance ne se retrouve autour d’un apéritif animé puis d’un repas fort réussi, organisé par Annick et André Corlay, avec l’aide des quelques volontaires (toujours les mêmes), que l’on fit longuement applaudir…